La symbolique de l’hirondelle selon une sémiologue

Quelle est la symbolique de l'hirondelle?
 
 

Ma rencontre avec Léah Thomas-Bion, une jeune sémiologue spécialisée dans l’étude des langues anciennes, l’étymologie, l’héraldique, la littérature médiévale et formée à l’étude du vivant (herboristerie et ornithologie), a suscité en moi un tas de questionnements.

Je lui ai demandé par curiosité de rédiger un article sur l’hirondelle pour mieux en comprendre ses codes et ses interprétations dans le monde, à travers l’histoire et comment les différents sèmes peuvent s’articuler avec mon identité visuelle.

Voici le résultat de ses recherches et constats.

 

Au sommaire :

  1. Écologie

  2. Esprit

  3. Prospérité

  4. Divinité

  5. Dans quel contexte retrouve t-on des hirondelles dans le monde des images et quels messages ou récits véhiculent-elles?

 
 

1. Écologie

L’hirondelle est une espèce en déclin. C’est une espèce qui symbolise la ressource, l’économie circulaire car elle retourne toujours dans son même nid année après année. Elle nous incite à consommer moins. Aussi, elle se sert de matériaux modestes mais résistants : boue et bois. Elle nous invite à trouver des ressources autour de nous pour avoir le moins d’impact possible sur l’environnement.

Enfin, elle nous invite à partager nos connaissances, à nous reconnecter les uns aux autres dans des projets porteurs de sens : les nids sont souvent construits les uns contre les autres car les hirondelles aiment la compagnie. Comment ne plus considérer la nature comme un terrain de jeu pour l’homme? Il s’agit de considérer autrui. Et c’est ce pourquoi l’hirondelle est remarquée.

Elle invite à la compassion, comme nous l’apprend la légende selon laquelle, elle vint en aide à Jésus sur la croix. (Voir source 1 en bas de la page) Elle aurait insisté pour lui enlever les épines. Selon la légende, pour la remercier, Jésus lui dit qu’elle pourrait désormais élever sa couvée à l’abri de tout danger. C’est pour cela qu’elle fait son nid à l’intérieur des étables.

Dans cette nature, et au milieu d’elle, grâce à l’hirondelle, on trouve également le sème de la vigueur, de la fertilité, auquel elle est liée. Tout cela se cristallise évidemment au moment du printemps, moment paroxystique avec lequel le symbolisme de l’hirondelle va de pair.

En effet, la nature se réveille, les plantes reverdissent et de toute cette effervescence d’une nouvelle année, se dégage le sème de la vigueur. De la vivacité, du mouvement, après avoir passé l’hiver au repos. Véritables incarnations du printemps, elles sont légères et rapides. C’est toujours dans le mouvement qu’elles se nourrissent, gobant les insectes en plein vol.

2. Esprit

Vivacité oui, mais surtout ici vivacité de l’esprit. L’oiseau symbolise l’éveil intellectuel et spirituel. Il est en effet beaucoup utilisé dans le jargon et le monde de l’alchimie pour figurer les différentes phases de la transmutation du plomb en or.

Cela même étant la métaphore de l’éveil: de quelle façon l’homme (plomb) va pouvoir se hisser au niveau du divin (or)? Dans ces étapes sont convoqués les oiseaux suivants : corbeau, cygne, paon, phœnix. (Voir source 2 en bas de la page)

Aussi, le langage des oiseaux, popularisé par les alchimistes revient à cette dimension d’éveil dans laquelle il est possible d’envisager la langue autrement que par ce que notre conscience classique nous permet. (Voir source 3 en bas de la page) La mythologie comporte déjà des références à la langue des oiseaux.

De plus, Le langage des oiseaux est le titre du fabuleux ouvrage, datant du 12e siècle, du mystique perse Farid Al Din Attar. Encore une fois, il s’agit ici de la quête spirituelle de l’homme : l’ouvrage narre un groupe d’oiseaux à la recherche de son maître, sans lequel ils ne savent pas dans quelle direction voler. Une véritable allégorie.

Parler la langue des oiseaux, selon Véronique Lesigne, équivaut à parler le langage du monde. Ils en chantaient, re-créaient le lien défait, repositionnaient l’homme à la croisée des énergies du ciel et de la terre. Ce sont, les oiseaux, par leur vol, qui symbolisent traditionnellement les relations entre ces deux entités.

L’oiseau symbolise le subtil, la pureté céleste.

“Peut-être parce que les oiseaux vivent et peuplent le ciel, royaume de l’air et de la vibration, ils produisent une infinité de sons, contrairement au reste des animaux qui n’émettent qu’un cri. Dès le lever du jour, la lumière les éveille, ils sont les premiers à recevoir ce quotidien retour de l’illumination. Les oiseaux chantent la langue du ciel, ils prononcent la -parole- en émettant la vibration primitive de Mère Nature. C’est la musique de notre univers. Les oiseaux parlent de l’anima mundi.” (Voir source 4 en bas de la page)

Donc par son isomorphisme céleste, l’hirondelle appartient au bestiaire de l’Ascension. Et donc se retrouve beaucoup dans l’imaginaire chrétien. L’ascension porte presque toujours en elle le sème de la prospérité. Ce n’est pas directement l’oiseau qui porte ce sème mais son aile, car c’est “l’accessoire” qui différencie l’oiseau des autres règnes et le situe à un autre endroit de la Création. Les images ornithologiques renvoient toutes au désir dynamique d’élévation qui va de pair avec celui de prospérité. (Voir source 5 en bas de la page)

3. Prospérité

Les hirondelles gravitent autour de l’isomorphisme de la fertilité. En effet, elles coïncident avec l’arrivée du printemps. En Chine, on mange même leur nid pour s’assurer prospérité. Du temps de Confucius ( Ve siècle Av JC ) on mangeait lors de grandes fêtes du printemps car le retour des hirondelles coïncidait avec l’équinoxe de printemps. Les œufs d’hirondelles : de ces récits sont rapportés des « fécondations merveilleuses » de jeunes filles, dont Confucius descendrait, c’est pourquoi il est considéré comme « le fils de l’hirondelle » … (Voir source 6 en bas de la page). Aussi, à Paris au XIXe siècle, il était une tradition qui consistait à acheter des hirondelles à des marchands d’oiseaux pour les relâcher aussitôt: c’était une façon de s’accorder les grâces divines. Elles apparaissent aux marins pour leur signaler la proximité d’une terre. Joie.

La prospérité n’est rien que l’ensemble des manifestations que l’homme met en place pour se hisser au niveau de l’homme. Voyons comment l’hirondelle est associé à la sphère divine. Car toute dynamique d’ascension implique ce désir.

4. Divinité

Les hirondelles interviennent dans de nombreux récits et légendes. Elles sont très liées aux dieux.

Chez les Celtes, l’hirondelle est personnifiée par Fand, l’épouse du dieu de la mer. La mer est matrice originelle, ainsi ici encore, le sème de la prospérité est bien présent.

Dans l’Islam, elle est surnommée l’oiseau de paradis et présage de bonnes choses. Oiseau de bonne compagnie. Encore un sème de la chance et du bonheur. Lorsqu’elle apparait dans le ciel c’est signe de chance. (Voir source 7 en bas de la page)

Dans l’Égypte antique, une autre légende, qui vient entremêler divin et hirondelle. En effet, il s’agit de l’histoire de la déesse Isis.(Voir source 8 en bas de la page) Et de sa quête (encore ce topoï) pour retrouver son mari-époux Osiris, piégé par le frère de ce dernier: Seth.

Seth détestait Osiris et lui fit construire un coffre magnifique à ses dimensions, le convia à un banquet auquel il invita ses complices. Osiris fut émerveillé. Seth dit qu’il offrirait cet objet à celui qui le remplirait exactement de ses dimensions. Seth, une fois qu’Osiris fut dans le coffre referma le couvercle et le jeta, aidé de ses complices, dans le Nil. Ce dernier dériva jusqu’en Phénicie. Il trouva abri au sein d’un buisson. Ce dernier, stimulé par ce divin contact se transforma en un arbre si magnifique et si parfumé que le roi ordonna qu’on l’abatte pour en faire un pilier de son palais.

C’est alors qu’Isis, sous la forme d’une hirondelle (endurance) parcourt le monde pour retrouver son frère époux. Elle vint tourner autour du pilier jour et nuit. Reconnue par une déesse grâce à ce qu’elle fit pour un des enfants de la famille, elle obtint qu’on lui céda le pilier d’où elle put extraire le cercueil. Elle le cacha au milieu des marais. Seth le découvrit et fou de rage, fit démembrer le corps en 14 morceaux qu’il jeta dans le Nil. Elle en retrouva 13, mais le phallus avait été mangé par un animal. Elle assembla les fragments, les maintenant par les bandelettes et remplaçant le bout manquant par de la cire. Et l’anima de sa divine bouche. On peut noter ici qu’il s’agirait d’une explication étymologique potentielle de l’homonymie entre les mots anglais swallow / hirondelle et swallow / avaler.

 

Après avoir fait un rapide tour des sèmes relatifs à l’hirondelle, penchons-nous sur sa présence dans le monde des images. De quelle manière cela vient-il corroborer nos hypothèses et nos propositions? Quels sèmes sont accentués dans la sphère graphique?

De quelle façon ces indices peuvent-ils dialoguer avec l’histoire du logo de Sarah Attig?

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5. Dans quel contexte retrouve t-on des hirondelles dans le monde des images et quels messages ou récits véhiculent-elles?

D’abord, dans la Rome antique, on considère que l’hirondelle est de bon augure, et l’on croit que les esprits des enfants morts revivent dans les hirondelles afin de pouvoir revenir dans leurs maisons. On note ici encore les sèmes de renaissance et de foyer.

Aussi, on la trouve dans les tableaux relatifs au mythe popularisé par Ovide. Celui de Procné et Philomèle. (Voir source 9 en bas de la page) 

Procné, fille du roi d’Athènes, est trahie par son époux Térrée qui enlève sa sœur Philomèle, abuse d’elle, puis lui coupe la langue pour l’empêcher de parler. Procné libère sa sœur et pour se venger de son mari, elle tue leur fils, découpe ses membres, les fait bouillir, les lui sert, puis lui révèle la vérité et s’enfuit avec sa sœur. Térée, fou de douleur, se met à leur poursuite, mais les dieux métamorphosent Procné en rossignol, Philomèle en hirondelle et Térée en huppe (ou en vautour).

Ici c’est encore le sème de la résurrection, qui au Moyen Âge, lie définitivement l’hirondelle au principe de la renaissance. Avec le printemps et la fin de l’hiver: la fin de l’hiver est un symbole de résurrection de la nature. 

Dans l’imaginaire judéo-chrétien, l’hirondelle n’est rien d’autre que l’incarnation pure et simple de Dieu. Incarnation du Dieu qui se fait homme pour sauver l’humanité. Elle préfigure ainsi la résurrection entendue comme une nouvelle naissance. Elle fait, à ce titre partie du bestiaire de l’Annonciation. Cela n’est pas étonnant dans les liens qu’elle entretient avec le symbolisme de la renaissance, de l’incarnation.

Enfin, certains bestiaires et aussi gravures, mettent l’accent sur la capacité présumée de l’hirondelle à guérir ses petits de la cécité. C’est l’image du Seigneur, à l’époque, qui rend la lumière à l’homme aveuglé par le démon.

Elle est évidemment aussi associée à l’arrivée du printemps selon un passage du livre de Jérémie:

“Même la cigogne, dans le ciel, connaît la saison de ses migrations; la tourterelle, l’hirondelle et la grue respectent le temps de leur venue; mais mon peuple ne connaît pas lordre fixé par le Seigneur.”(Voir source 10 en bas de la page)



 
 

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